Art textile contemporain
Ma première visite du jour était à Léhon. Un village ancien qui préserve ses pierres, ses bâtiments. Un paysage superbe et une abbaye magnifique que j'avais eu l'occasion de te montrer au tout début du printemps dernier.
Au deuxième étage, la porte de bois s'ouvre sur une pièce très vaste. Aussitôt entrés, nous sommes happés par les premières pièces. Elles sont crochetées mais le fil est fait de fer recuit. Le travail constitue des bustiers, des bonnets, des capes, des robes et même des souliers. Quand l'artiste souhaite créer de la dentelle, elle opacifie certains vides de boucles avec de la cire d'abeille. L'effet est confondant. Les pièces sont magnifiques. Un grand et beau travail d'artiste, d'une artiste inspirée et créative : Corinne Cuenot, artiste plasticienne.
Les sculptures sont pleines de délicatesse et de féminité. La collection de bonnets, ci-dessous, retient toutes les attentions ; les visiteurs de l'exposition sont sous le charme et les ombres sur les murs ajoutent encore à l'expression de chaque pièce.
Dans ce cadre exceptionnel que propose l'abbaye, certaines sculptures prennent part à des récits, à des contes et grandissent dans le merveilleux, tel ce soulier de princesse tout en dentelle que l'on imagine très bien au pied de Cendrillon....
Sur le côté de la salle, bénéficiant de trois murs et de la belle lumière que tamisent les fenêtres étroites, des paysages nous entrainent dans le monde ouaté de Ariane de Briey. Son oeuvre est mouvement. Ses arbres, premiers objets de son inspiration, se penchent et s'inclinent sous l'effet de vents imperceptibles. La tarlatane est pliée, gonflée, boursoufflée, plissée, formée.... et devient rocher, iceberg, bateau. Des navires tentent d'échapper à une vague monstrueuse. L'effet est amplifié par un travail en trois dimensions. La réalité est troublée par une couche de tissu ajoutée et l'on ne sait plus à quels jeux joue la transparence.... ou le reflet !
De profil, le tableau révèle deux épaisseurs de tissu, la première supportant les éléments en relief. Derrière, l'ombre éclabousse le mur ....
Les petits formats sont également un jeu quasi holographique d'empreintes à la fois fixées sur une tarlatane en premier plan et sur le support en second plan. L'effet floute l'image que l'on regarde mais le jeu consiste à mettre en coïncidence dessin du dessus avec dessin du dessous pour que se stabilise le motif.... Enfin tel est le jeu auquel j'ai joué. Mais mon ressenti ne sera peut-être pas le tien ?
C'est l'éclairage que distribue la fenêtre qui colore ainsi cette pièce. L'arbre est le sujet privilégié de l'artiste...
Tiphaine Nicoleau m'a littéralement cueillie avec ses coiffes magnifiques. Une "gorgone rouge" éclate sur le mur. Chaque parure peut être portée en chapeau mais est une pièce sculptée à part entière ; les chapeaux sont des fleurs humanisées, tout en élégance et en originalité.
Si j'ai vraiment beaucoup aimé les orchidées, j'avoue avoir eu un coup de coeur pour cette digitale veloutée. J'ai osé un agrandissement excessif pour faire remarquer la précision des traits de la mante religieuse qui a servi de modèle. Ainsi transformée en fleur, la mante retrouve un air plus doux et moins cruel que dans la nature. Je me suis laissée attendrir complètement et j'ai pris le temps d'admirer cette oeuvre plus que les autres bien que toutes méritent vraiment que l'on s'y arrête. Douceur des satins et des soies, confort du velours, coloris gais et vivifiants, les oeuvres de cette artiste sont un enchantement à plus d'un titre....
Un peu plus loin, des alignées de calices annoncent le travail de Dominique Moreau qui explore tout ce qui concerne la terre et les racines. Souche, cocons et chrysalides évoquent la nature dans une douceur poétique. Les pièces sont souvent alignées tout comme le sont les arbres, les bambous, les roseaux.... Quelques pièces ou peintures évoquent des curiosités botaniques, des légumes improbables et extraordinaires. Dominique Moreau, avec ses sculptures délicates, nous ..... emballe complètement !
Isolée dans sa petite salle tout au fond, Mona Luison expose ses enfants terribles. Complètement impliquée dans le phénomène du Upcycling. Autant dire qu'à l'aide de matériaux actuels, récupérés, réemployés en dehors de leur destination première, Mona Luison utilise des techniques anciennes. On reconnaitra essentiellement la broderie et le crochet. Ses couleurs vives et pétillantes font de son travail un jeu à la fois sérieux et enfantin. Elle nous propose de renoncer à notre enveloppe conventionnelle pour en adopter une autre, moins conforme à l'habitude, plus amusante que l'on peut "personnaliser" à l'envi.
L'exposition EN DE-COUDRE se tient à l'Abbaye de Léhon (22) près de Dinan jusqu'au 20 septembre prochain.
J'ai beaucoup aimé et je veux absolument recommander à tout le monde d'aller voir cette excellente exposition mise en place par Marie-Annick Lorillon, présidente de l'association "Et... Rance".