La Maison Saint-Yves est une maison diocésaine installée à Saint-Brieuc, qui fut un séminaire et où, aujourd'hui, s'est installé l'évêque qui habitait autrefois plus au centre de Saint-Brieuc, plus auprès des établissements administratifs nécessaires à son ministère.
L'arrivée à cette maison est facilitée par une visibilité nouvelle : on a diminué leur hauteur aux murs d'enceinte, on a ouvert des entrées qui permettent le passage des voitures, on a ouvert les bibliothèques au public ainsi que des zones de convivialité et on a surtout organisé des visites entièrement gratuites et guidées, les mardis et jeudis à 15 heures. La visite dure près de 1 heure et demie mais son contenu est tellement intéressé que personne ne quitte le groupe avant la fin sonnée !
J'avais d'abord vu un article dans le Magazine du département des Côtes d'Armor. Intéressée j'avais mis l'info de côté et, bien sûr, je l'avais oubliée. Il y a quelques jours, j'achète un magazine de déco "Maisons côté Ouest" n° 156 et j'y retrouve six pages d'article consacré à ce même sujet : le sanctuaire de l'art déco : la chapelle de la Maison Saint-Yves, consacrée en 1929, joyau de l'ancien grand séminaire construit par l'architecte Georges-Robert Lefort.
L'entrée dans le cloître, quand on quitte l'accueil, commence avec la fresque peinte par Xavier de Langlais, ancien professeur des Beaux-Arts de Rennes, dont les couleurs surprennent de prime abord. La visite de la chapelle révèle plus tard le pourquoi de ce choix : l'harmonie des couleurs initiales que l'on retrouve également dans la crypte.... Tout un décor art déco qui porte aussi bien les symboles Bretons que sont le triskell ou les carreaux noirs et blancs.... Des mosaïques d'Isidore Odorico, une construction des années 20 tout en béton, une restauration plus récente avec un parquet tout propre et des carreaux isolants qui permettent une déambulation dans le cloître dans de bonnes conditions de chaleur.
La fresque sur tissu tendu peinte par X. de Langlais en 1956 a été restaurée puis installée dans le cloître. Une partie basse correspondait peut-être à une découpe de radiateurs ou fenêtre basse : on l'a bouchée et il y a peint une frise d'eau vive que l'on retrouvera dans la chapelle.
La partie gauche décrit l'arrivée de Brieuc par la vallée du Léguer, près de Lannion. Plus loin, on fait la connaissance de Gwen et Fragan, le couple qui suit Brieuc, une situation entre légende et Histoire.
Avant de nous diriger vers la chapelle, nous nous arrêtons devant ce tableau qui est empreint d'une énorme nostalgie. Il s'intitule "Saint-Brieuc s'en va" ; il décrit les quartiers anciens qui ont à présent disparu hormis la rue Fardel, dans le secteur de la cathédrale de Saint-Brieuc au pied de laquelle les échauguettes ont été débruites mais dont il est question qu'elles soient reconstruites, sinon à l'identique, du moins dans l'esprit de... Mais l'on reconnaîtra la Tour de Cesson et les tourelles d'une maison facile à retrouver.
Pour rejoindre la chapelle, on se stabilise d'abord dans un hall d'entrée dont le rez-de-chaussée est un rez-de-jardin par où entraient les futurs séminaristes prêts à grimper l'escalier magistral et à lire le texte du panneau d'accueil... L'image qui suit est une aparté destinée à Marie-Jo, Gégé, Annick, qui reconnaîtront un palier ressemblant énormément au nôtre où Yannick faisait des équilibres dangereux ; différence toutefois : la largeur du balcon ! Nous avions le triple ou même le quadruple...
Et vient alors l'instant de pousser la porte de la chapelle. L'entrée laisse béat : quelle clarté, quelle modernisme, que de couleurs !!! Rien d'austère dans cette chapelle séparée de sa petite entrée par une double grille tout en fer forgé réalisée sans la moindre soudure par un métallier de qualité. Elle est entretenue régulièrement, repeinte, voire même soutenue pour éviter le marquage au sol au détriment des carrelages.
Rien de ce que l'on voit n'est en bois !!! Tout est en béton. Il faut se rappeler que nous étions en 1926 et que le béton n'était un matériau mis eu point que depuis 1922 !! Les motifs sont Bretons bien sûr, dans l'air du temps : le groupe Seiz Breur poussait pour un art Breton distinctif parmi l'art déco en pleine expansion.
Les hauts murs sont entièrement peints. Il est probable que plusieurs peintres se sont collés à la tâche et que l'on utilisait des bandes pochoirs ou des calques pour avoir un dessin aussi répétitif et aussi régulier.
On retrouve la frise d'eau vive et ses poissons, les spirales des chandeliers, la couleur noire qui s'associe aux carreaux du sol, et, bien sûr, la symbolique de la croix.
Les bancs de bois ont un bout de rang sculpé d'un artichaut, autre symbole breton s'il en est !
Si l'on se retourne vers l'entrée, on a une vue très nette sur la grille de fer forgé et ses motifs tournés. Ils permettent de bien visualiser deux fontaines : Sainte-Anne d'un côté, Saint-Joachim de l'autre, les deux parents de la Vierge Marie.
A l'étage, l'orgue caché derrière ses balustrades blanches à la manière d'un moucharabieh, murets que l'on retrouve en pendant au rez-de-chaussée.
L'autel, comme la grille, est un ouvrage de métal pur mais les couleurs utilisées pour la patine évoquent le carrelage et reprennent les tons orangé et vert des murs.
Après la frise sur tissu, la fresque "a fresco" sur le mortier encore humide, le fer forgé, le bois sculpté, voilà qu'arrive un peu de broderie sur velours. Il s'agit du "cathèdre" ou fauteuil de l'évêque, placé auprès du maître-autel. Il date de 1929, réalisé par Jacques Philippe, ameublier de Guingamp.
Après la visite de la chapelle, c'est au tour de la crypte que l'on peut, sans doute, décomposer au fond en deux panneaux avec l'Ancien testament à gauche et le Nouveau à droite, le ciel réunissant les deux interprétations. Mais s'agit-il de nuages ou bien de fumées portées par le vent et émanant d'un feu tout à la gauche de Sainte-Anne qui pousse devant elle la petite Marie en prière devant la Torah que l'on déroule. Alors, feu d'un buisson ardent ou feu d'un sacrifice ? Chacun pourra interpréter selon ses choix.
Sous la croix portée par Jésus que suit Sainte-Marie voilée de bleu, on distingue un soldat Romain et un personnage coiffé de vert qui pourrait être l'auto-portrait de Xavier de Langlais qui signe les peintures.
Après cette présentation de Marie au Temple, nous nous arrêterons sur le crucifix central, oeuvre d'une sculptrice de Plérin, dont la légèreté de la croix et du Christ crucifié fait une vraie opposition à la croix portée sur la représentation de Xavier de Langlais
On peut être un peu surpris par les couleurs choisies par la vitrailliste qui a oeuvré sur les fenêtres de la crypte. Mais je pense qu'il peut s'agir d'une représentation du ciel et de la mer. Ciel rougi par les couchers ou les levers de soleil selon l'orientation de la fenêtre ou bien traces oblongues représentant les poissons dans l'onde, ceux-là même que l'on retrouve sur toutes les frises ? Possible mais interprétation personnelle...
Quand nous sortirons de la crypte, nous nous rendrons à la bibliothèque d'où émane notre guide qui y a travaillé plus de dix ans et où elle a plaisir à nous présenter tout un fond de livres provenant d'une collection privée du 18ème siècle et relatif aux sciences comme aux lettres ou à la connaissance géographique. Un trésor légué à cette maison qui le protège en le maintenant en bonne santé sur les rayons de bois d'autrefois
Dans une salle à côté se tenait une exposition du peintre Alain Thomas qui travaille une forêt luxuriante digne d'amazonie peuplée d'oiseaux, de petits animaux, d'insectes... Une vision très documentée d'un voyageur immobile dont l'oeuvre est actuellement projetée sur l'église de Hénon. Un grand écart à faire entre les mosaïques, la tranquillité apaisante de la chapelle comme de la crypte et le bruissement silencieux d'une forêt très peuplée.
J'espère que mon reportage, riche en images, aura su documenter les personnes éloignées de Saint-Brieuc (22) et donner envie aux locaux de venir voir de visu les merveilles de cette maison ouverte à tous.