Allez, laissez-vous faire .... Vous allez bien en reprendre une petite louche ? De quoi ? Mais de ma soupe ! Soupe de sorcière, bien sûr !!!
Songez donc : une petite plante, toute simple, élégante mais en défloraison, que la fin de saison va faire sécher sur pied. Une plante qui n'adore rien de plus que cette terre de remblais, celle que l'on a retirée pour construire une bretelle de voie express. Une plante méconnue de tous et qui, pourtant, vous réserve la plus lumineuse des soupes de sorcière, le bouillon le plus ensoleillé....
La feuille est assez longue, fine et pointue. Je l'ai photographiée ici avec mon pouce pour que vous en preniez bien l'échelle réelle. La tige est fibreuse. Peut-être pourrait-on en retirer les fibres après rouissage ? Un peu comme on le fait avec les tiges de lin ? Allez savoir....
Typique, l'implantation en triangle des bourses de graines.
Une très jolie tige florale, un épi tout en longueur qui, vu de loin, évoque immanquablement l'oseille sauvage. Mais celle-ci ne rouille pas, ne devient pas marron. Les feuilles sèchent en fin de floraison et c'est le moment idéal pour sa cueillette.
Je fais un essai de séchage dans l'ambiance chaude et protégée de la chambre affectée au rôle de grenier. Elle est située à l'étage avec un Velux pour fenêtre de sorte que dès que le soleil apparait, la température y monte assez haut. Il y fait donc chaud et sec. Les plantes, enroulées dans du papier journal puis dans une petite couverture, devraient sécher en douceur sans moisir. Essai !!!!
Comme je suis une sorcière indépendante (autonomiste ?) comme tout le monde l'a compris, je ne procède pas selon la recette normale, à savoir : faire bouillir les plantes pendant plus d'une heure puis laisser poser une nuit puis filtrer et, enfin, refaire chauffer avec le tissu qu'on laissera ou pas poser dans le bouillon avant de le rincer à l'eau claire.
J'ai pris l'habitude, par expérience, de faire chauffer mon tissu directement dans le premier bain. Je mélange donc l'intégralité des plantes coupées en morceaux (tiges, feuilles, grappes florales) à une bonne quantité d'eau (et là je reconnais que je manque de faitout convenable) et j'y plonge mon tissu mordancé. Je fais bouillir et je coupe la flamme pour laisser poser toute la nuit.
Le lendemain je ne cache pas que le rinçage est pénible. Je "passe" le tout pour récupérer le jus sans la végétation puis je déploie les linges complètement envahis de morceaux de feuilles et de tiges. Je rince au jet pour que la pression évacue les petits morceaux résiduels dans leur majorité puis je remplis un seau avec de l'eau de pluie où je plonge le tissu. Plus le récipient est large, plus le tissu est facile à débarrasser de ses petits morceaux de végétation. Je n'essore pas, je fixe directement sur le fil à linge. Par le poids de l'eau, le tissu est défrippé, il ne sera pas "cassé" par la torsion de l'essorage à la main. A moins qu'il s'agisse d'un effet volontaire car les crêtes de ces brisures vont blanchir plus volontiers que les parties profondes. Cela peut être intéressant.
Pour autant, vous remarquerez que le tissu porte tout de même des traces de pliures. Il s'agit en fait des marques du roulage en boule. Je n'ai pas de faitout suffisamment grand pour opérer. J'espère que dans un prochain vide-grenier, je trouverai un de ces faitouts tout en hauteur qu'on employait pour le pot-au-feu ou le couscous. Pour le moment j'utilise un petit faitout bas et, bien entendu, le tissu s'y trouve un peu tassé en boule. Forcément....
Alors, ce jaune vif ? Vous le reconnaissez ? Eh oui, il s'agissait bien de la GAUDE !
La gaude, ou réséda des teinturiers, est une plante herbacée bisannuelle de la famille des Résédacées, assez commune en Europe occidentale et méridionale, qui fut cultivée autrefois comme plante tinctoriale. Toute la plante contient des matières colorantes de la famille des flavonoïdes (couleur jaune). Nom scientifique : Reseda luteola L.Noms vernaculaires : gaude, réséda des teinturiers, réséda jaunâtre, grand réséda, herbe à jaunir, herbe jaune, mignonette jaunâtre, herbe des juifs...
Alors si vous habitez les Côtes d'Armor, si vous êtes dans les environs proches de Saint-Brieuc, si vous pratiquez l'art textile, si vous aimeriez rejoindre deux sorcières prêtes à toutes les expérimentations, si vous avez envie de jouer : faites-le moi savoir. Nous pourrions envisager un petit rassemblement tantôt chez l'une, tantôt chez l'autre histoire de tester les monoprints, les empreintes sur tissu, le piqué libre machine et autres jeux textiles. Il ne s'agit pas de créer un club ou une association mais de constituer un petit groupe de trois, quatre ou cinq personnes seulement, histoire de multiplier les envies et les idées.
La Rose et le Réséda
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Tous deux adoraient la belle
Prisonnière des soldats
Lequel montait à l'échelle
Et lequel guettait en bas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Qu'importe comment s'appelle
Cette clarté sur leur pas
Que l'un fût de la chapelle
Et l'autre s'y dérobât
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Tous les deux étaient fidèles
Des lèvres du coeur des bras
Et tous les deux disaient qu'elle
Vive et qui vivra verra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au coeur du commun combat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Du haut de la citadelle
La sentinelle tira
Par deux fois et l'un chancelle
L'autre tombe qui mourra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Ils sont en prison Lequel
A le plus triste grabat
Lequel plus que l'autre gèle
Lequel préfèrent les rats
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Un rebelle est un rebelle
Nos sanglots font un seul glas
Et quand vient l'aube cruelle
Passent de vie à trépas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Répétant le nom de celle
Qu'aucun des deux ne trompa
Et leur sang rouge ruisselle
Même couleur même éclat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Il coule il coule il se mêle
A la terre qu'il aima
Pour qu'à la saison nouvelle
Mûrisse un raisin muscat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
L'un court et l'autre a des ailes
De Bretagne ou du Jura
Et framboise ou mirabelle
Le grillon rechantera
Dites flûte ou violoncelle
Le double amour qui brûla
L'alouette et l'hirondelle
La rose et le réséda
Louis Aragon - 1943