J'y étais Samedi. Et j'ai eu une bien belle surprise : voir arriver mon amie MLaure que je n'avais pas vue depuis une année. Double plaisir ! Nous avons passé un super moment sur les différents sites d'expositions....
A peine la voiture garée le long d'une haie d'hortensias plats, nous avons opté pour aller voir l'exposition de l'invité d'honneur, l'artiste David Balade.
Basé à Pléven (22130), David Balade -Atelier Ker Is- "Art et Illustration", a depuis très longtemps étudié le motif celtique. Pour coller au thème des Détissages 2014, il a exposé dans l'espace Kawamata, tout une série de motifs celtiques colorés d'encres aux teintes douces et aquatiques.
Nous avons échangé pendant un bon moment ; David Balade peut être intarissable sur le sujet qu'il maîtrise parfaitement. Sa connaissance de l'Histoire de cet art celte est insondable, celle du Japon impressionnante et son étude sur la méduse passionnante. Nous n'avons pas pu rester pour la conférence qu'il donnait plus tard en soirée et l'avons bien regretté.
Ce motif quelque peu hypnotique et troublant se joue d'effets optiques et vient tromper notre esprit en l'entraînant dans des circuits dessinés d'ombres et de tubes absorbants, dans des labyrinthes irréels.
Dans la salle des artistes en résidence, juste à côté,
La première artiste plasticienne, tisserande de haute lisse qui travaille le tissage végétal, manquait à son poste. Nous l'avons retrouvée à l'extérieur en train de préparer une composition tissée de cordelettes, fils et végétaux. En effet, Catherine Libmann disséminait ses oeuvres sur un parcours autour de la Maison du Lin. Son travail était représenté par des posters réalisés à partir de ses papiers artisanaux dans lesquels les fibres végétales prennent des allures d'idéogrammes Japonais. Travail en résonnance avec celui de David Balade.
Parmi ses oeuvres à découvrir en extérieur, celle installée sous le porche de l'église :
La seconde artiste, Marie Mativet, travaille le tissu et le pli. Des évènements familiaux dramatiques l'avaient empêchée de travailler en amont et elle commençait tout juste une oeuvre qui devait être achevée le lendemain, dimanche. Son but : sur un dessin représentant une pierre des murs de Saint-Thélo et les différentes matières qui le composent, elle devait poser des zones de tissus pliés serrés en respectant les zones sombres ou claires, les ombres, les parties éclairées et représenter le granit, le feldspath, le quartz et le mica.
Je l'ai regardée un moment alors qu'elle pliait à force une première bande de tissu bleu marine et qu'elle plantait profondément les épingles fixant ce mouvement. Un travail plus douloureux à voir qu'à faire selon l'artiste elle-même.
La troisième artiste plasticienne textile représentait, à mon sens, la pépite de la mine. Formée aux Arts Plastiques aux Beaux-Arts de Montpellier et enseignante, Elodie Sabardeil a vécu plein de vies malgré son jeune âge. Sculpteur, elle a aussi voulu étudier, entre autres, le tissage au Mexique et a conservé, de ce contact textile, un goût pour le tissu et la couture à laquelle elle s'est formée toute seule. Un jour, reprenant ses dessins d'ateliers d'études, elle a alors tenté de les reproduire sur le tissu qu'elle manipulait et avec sa machine à coudre. Etonnamment, elle ne travaille pas en piqué libre mais avec pied presseur et griffes d'entraînement !
Elodie Sabardeil commence par faire un dessin de son sujet, ce qui lui permet de s'imprégner des traits, des formes, des angles forts, des ombres et des valeurs. Puis, à coups de marche avant et de marche arrière, elle brode son tissu de manière plus ou moins dense selon qu'elle veut créer une courbe, un volume, une zone ombrée. Sa signature consiste en ses fils qu'elle laisse volontiers en surface.
Son sujet du jour, un agriculteur du village qui, trop occupé par ses tâches professionnelles, ne pouvait venir la rencontrer que le dimanche matin. Elodie se promettait alors de l'interviewer et d'enregistrer cet entretien pour le confronter au portrait qu'elle brodait à partir de la photo de son correspondant encore mystérieux....
Je crois qu'il faut retenir le nom de cette artiste car nous devrions la revoir lors des évènements artistiques à venir !
Anne-Marie Lharidon, elle, proposait son Atelier du Menez Hom où Aquarelle, Calligraphie et Art-thérapie sont présentées en formations professionnelles susceptibles d'apporter une méthode et un savoir-faire pratique, utiles dans la vie personnelle et dans l'environnement professionnel. Cette formation à la Trace Originelle s'adresse plutôt aux thérapeutes et aux accompagnants. Bien sûr chaque discipline s'appuie sur le motif sans, pour autant, s'approcher du textile.
Enfin, mutique et penché sur son carreau, Pierre Varenne travaillait à une nouvelle oeuvre contemporaine. Sans doute le travail nécessitait-il une concentration extrême qui empêchait l'artiste de communiquer avec son public. Ses oeuvres devaient suffire à notre approche....
Dans une aile de la Maison du Lin (musée et librairie), se cachaient les "cabanes à métamorphoses" avec, dès l'entrée, une illustration du "Mystère de la chambre jaune" (une enquête de Rouletabille sous la plume de Gaston Leroux) avec une cabane organisée par Anne Guibert-Lassalle, organisatrice des Détissages.
Je n'ai pas pu faire autrement que photographier la maison avec ce visiteur devant. Installé, il photographiait l'intérieur de la cabane et je pense qu'il revivait quelque chose de son enfance.
Venait ensuite la cabane extrême-orientale signée Arnould dont les parois, composées de pans de soie ancienne ayant servi de manteaux de moines, portaient des estampes brodées à la manière des idéogrammes Japonais. Pourtant l'oeil exercé saura déchiffrer....
Sauras-tu traduire l'illustration suivante ? Les mots sont tracés de haut en bas, les lettres tirées comme élastiquées et la fin de la locution se lit sur la gauche, se délayant dans sa signification....
Venait ensuite le "Petit chateau deviendra grand" construit par Rozenn Gléonec. Une bâtisse constituée de dizaines, de centaines de détails importants, pliés, plissés, cachés dans des tiroirs ou dans des boites. Une foule d'illustrations du château conjuguée en images, étiquettes, cartes, transferts, timbres même.... Inénarrable ! Je suis entrée dans la cabane et, comme une enfant, je m'y suis assise pour fouiller, ouvrir, lire, replier une partie des éléments offerts à ma curiosité. J'aurais pu rester là plus d'une heure encore que je n'aurais pas tout vu. Cette cabane ne se visite pas, c'est une aventure que l'on y vit !
Quel souci du détail ! Quel travail aussi !!! Des heures de préparation, de conception, de mise en scène....
Pour finir en ce lieu, Guillaume Bur faisait un voyage dans le temps depuis son lit d'enfant jusqu'aux jupons de sa mère ; un chemin à parcourir dans un sens comme dans l'autre en suivant, tel un téléphérique, des cordons que l'artiste a voulu ombilicaux.
J'ai raté, dans les extérieurs et dans le village, les aquarellistes qui se sont installés tantôt dans l'herbe, tantôt sur un trottoir et qui, en fin de journée, devaient se rassembler derrière l'église. Cette église que je suis allée visiter parce qu'il s'y tenait également une exposition de mouchoirs de mariée : de jolis mouchoirs fragiles et délicats, parfois brodés des initiales de la jeune fille, toujours brodés de motifs complexes et minutieux. Des heures de travail, là encore, avec une aiguille bien plus fine que les fines aiguilles que nous pouvons acheter aujourd'hui, si j'en crois les rares trous laissés dans la toile lors du travail décoratif.
Je regrette juste que cette exposition, ouverte de 14 à 17 heures sur le programme et de 14 à 18 heures sur l'affiche appliquée à l'entrée de l'église, ait été fermée dès mon arrivée. A 17 h 15 à peine, la dentellière Françoise Varenne, épouse du dentellier aperçu dans l'espace textile du site Kawamata, rangeait ses plaques aux mouchoirs tendus.
Nous restait alors l'artiste topiaire, Jacques Aubert, sculpteur végétal :
D'autres structures de grillage à poule avaient été mises en formes animales et, dans la mousse tassée placée dedans, des plantes grasses avaient été piquées. Ne reste plus qu'à attendre quelques semaines pour que le grillage disparaisse sous la pousse des végétaux.
A propos de végétaux, Saint-Thélo est un charmant village fait de maisons en pierres et de fleurs plantées partout, des hortensias essentiellement.....
Le climat de centre Bretagne, probablement plus humide que celui que nous avons sur la côte, a pour avantage de plaire aux hydrangeas. Pour preuve, la taille impressionnante que sont capables d'atteindre certaines fleurs....
Qui étonnerai-je quand j'avouerai avoir fait deux prélèvements en vue de bouturages ?
Voilà. Les Détissages 2014 sont terminés. Hier dimanche, il y avait à ajouter l'exposition du travail fait par les stagiaires installés dans la Maison des Toiles et le concert d'Anne Auffret, harpiste celtique.
2015 a pour thème "Les Durées"..... Il me serait évidemment possible de développer l'histoire de Pénélope mais ce serait me servir d'un véritable marronnier. Je préfère prélever une partie textuelle de " Saint_Th_lo_Appel___candidature_2 " l'appel à candidature.
" Les artistes intéressés par Détissages-les durées réfléchiront à l’effet du temps sur leur créativité. Ils se demanderont, par exemple, si la matière textile se prête davantage à l’installation qu’à la performance, si la fibre textile fait obstacle à l’expression de la spontanéité ou au contraire la favorise.
La durée de la réalisation artistique est un paramètre important, sinon crucial, du processus de création, mais elle affecte aussi l’autonomie des oeuvres. La manipulation des textiles dans les oeuvres altère leur aspect, parfois leur nature. Quels sont les rapports entre oeuvres textiles et conservation ? "
Pardon pour l'importance de cet article mais j'avais promis un long reportage bien illustré. Je n'aurais pas voulu avoir menti !!